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Editorial
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Affiché le lundi 2 decembre 2002
                               
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Le petit-fils d'une esclave haitienne vendue comme un meuble
                     
Par CATHERINE SIMON

Il suffit de lire le magnifique roman de Dumas, "Georges", pour comprendre à quel point il se savait mulâtre.

Si on lui avait dit qu'un jour l'un de ses petit-fils serait honoré par la France, elle ne l'aurait pas cru. En fait, elle n'aurait pas compris, l'esclave noire de Saint-Domingue qui n'avait jamais lu un livre. Elle que son maître blanc, le colon et marquis Antoine Davy de La Pailleterie, qui après en avoir fait sa compagne et la mère de ses quatre enfants n'avait rien trouvé de mieux que de la revendre, elle et les gosses, à un autre colon du bourg, afin de pouvoir se payer un billet de bateau pour la France ! Elle qui avait été traitée comme un meuble, comme une chose, privée de tout – même d'une tombe. C'est sûr, Césette, esclave haïtienne et grand-mère d'Alexandre Dumas, vous aurait ri au nez.

L'ascendance noire et servile de l'auteur des Trois Mousquetaires a longtemps été ignorée. Non par lui-même ni par son père – le fameux général Dumas, à qui Claude Ribbe vient de consacrer un ouvrage, Alexandre Dumas, le dragon de la reine (Editions du Rocher). Ni par son fils, le troisième Alexandre, auteur de La Dame aux camélias, qui délégua aux Antilles l'un de ses comédiens-fétiches, Frédérick Febvre, pour retrouver la trace de Césette. "Hélas ! De ce qui fut autrefois une grande habitation, il ne reste plus que les débris d'un vieux moulin !", rapporte le comédien, cité par Gilles Henry dans Les Dumas (France-Empire). "Là où la petite esclave devait donner la vie à cette lignée de géants (...), je n'ai trouvé que quelques pierres noircies, quelques fleurett! es et une modeste cabane", note le comédien-explorateur.

Un signe demeure, pourtant : c'est le nom de Dumas. Selon l'écrivaine Calixthe Beyala, ce nom de famille porté par Césette lui viendrait du Gabon, où la jeune Africaine aurait été faite prisonnière par les marchands d'esclaves. Dumas, initialement Dûma, serait un nom "d'origine fang", qui signifierait "dignité". Le futur général Dumas en fera son nom de guerre.

Quant à l'écrivain aujourd'hui adulé – mais qui fut, en son temps, traité de "nègre qui pue" – il suffit de lire son roman magnifique, Georges, pour comprendre à quel point il se savait mulâtre. "Hormis le lycée français de Port-au-Prince, tardivement baptisé Alexandre-Dumas, aucun endroit d'Haïti, ni rue, ni place, ni statue, ne porte la trace des Dumas", note l'avocat Jacques Salès. Lui-même est un métis et sait de quoi il parle : il est descendant d'Adolphe, l'un des fils de Césette, vendu et abandonné à Saint-Domingue avec sa mère et ses deux sœurs ! Me Salès sera présent, samedi 30 novembre, avec sa femme et ses enfants, à la cérémonie de transfert des cendres d'Alexandre Dumas au Panthéon. En hommage aux Dumas, ces "géants" si franç! ;ais, fils, petit-fils, et arrière-petit-fils d'une esclave inconnue.

Catherine Simon

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